J’ai décidé d’être reconnaissant envers Rashek pour la haine qu’il me porte. Il est bon que je me rappelle parfois qu’il y a des gens qui m’abhorrent. Mon rôle n’est pas de chercher l’amour ou la popularité ; c’est d’assurer la survie de l’humanité.

 

36

 

Vin marchait en silence vers Kredik Shaw. Derrière elle, le ciel brûlait, tandis que les brumes reflétaient et diffusaient la lumière de mille torches. Comme un dôme éclatant coiffant la ville.

La lumière était jaune, la couleur qu’aurait dû posséder le soleil, d’après Kelsier.

Quatre gardes nerveux attendaient à l’entrée même du palais qu’elle avait empruntée avec Kelsier précédemment. Ils la regardèrent approcher. Vin marchait lentement, sans bruit, sur les pavés mouillés par la brume, tandis que sa cape bruissait solennellement.

L’un des gardes abaissa une lance vers elle, et Vin s’arrêta juste devant lui.

— Je vous connais, dit-elle calmement. Vous avez subi les mines, les forges et les filatures. Vous saviez qu’un jour ils vous tueraient en laissant vos familles mourir de faim. Alors vous êtes allés trouver le Seigneur Maître, honteux mais déterminés, et vous avez rejoint ses gardes.

Les quatre hommes échangèrent des regards, perdus.

— La lumière que vous voyez derrière moi provient d’une immense rébellion skaa, dit-elle. La ville tout entière se soulève contre le Seigneur Maître. Je ne vous reproche pas vos choix, mais une époque de changements se prépare. Ces rebelles pourraient avoir besoin de votre entraînement et de vos connaissances. Allez les rejoindre – ils se rassemblent sur la Place du Survivant.

— La… Place du Survivant ? demanda l’un des soldats.

— L’endroit où le Survivant de Hathsin a été tué tout à l’heure.

Les quatre hommes échangèrent des coups d’œil hésitants.

Vin exalta légèrement leurs émotions.

— Vous n’êtes plus obligés de vivre avec cette culpabilité.

Enfin, l’un des hommes s’avança et arracha le symbole de son uniforme, puis s’enfonça dans la nuit d’un pas déterminé. Les trois autres hésitèrent puis le suivirent – laissant à Vin l’accès libre au palais.

Elle remonta le couloir et finit par repasser devant la même salle de gardes que la fois précédente. Elle entra d’un bon pas – dépassant un groupe de gardes en train de discuter sans leur faire le moindre mal – et entra dans le couloir qui se situait au-delà. Derrière elle, les gardes surmontèrent leur surprise et poussèrent des cris d’alarme. Ils se précipitèrent dans le couloir, mais Vin bondit et exerça une Poussée contre le support de la lanterne, et se propulsa violemment le long du couloir.

Les voix des hommes se firent lointaines ; même en courant, ils ne parviendraient jamais à la rattraper. Elle atteignit le bout du couloir, puis se laissa tomber légèrement à terre, tandis que sa cape enveloppait tout son corps. Elle conserva la même allure résolue, sans se presser. Elle n’avait aucune raison de courir. Ils l’attendraient de toute façon.

Elle franchit la voûte et pénétra dans la pièce centrale au toit en dôme. Des peintures murales ornaient les murs, des braseros brûlaient dans les coins, le sol était de marbre aux tons d’ébène.

Et deux Inquisiteurs lui bloquaient le chemin.

Vin entra dans la pièce d’un pas ferme mais discret, approchant du bâtiment-dans-le-bâtiment qui était sa destination.

— Nous vous cherchons depuis tout ce temps, déclara un Inquisiteur de sa voix grinçante. Et vous venez à nous. Une deuxième fois.

Vin s’arrêta à six mètres environ du duo. Ils se dressaient devant elle, souriants et confiants, chacun la dépassant de près de soixante centimètres.

Vin brûla de l’atium, puis sortit vivement les mains de dessous sa cape et projeta une double poignée de pointes de flèches dans les airs. Elle attisa son acier, exerçant une vigoureuse Poussée sur les anneaux de métal qui entouraient les tiges brisées des flèches. Les missiles s’élancèrent, traversant la pièce à toute allure. Le chef des Inquisiteurs gloussa, leva la main et repoussa les missiles avec dédain.

Sa Poussée arracha les anneaux non fixés des tiges, propulsant les bouts de métal en arrière. Les pointes de flèche elles-mêmes, en revanche, continuèrent à foncer – non plus projetées par-derrière désormais, mais toujours portées par une vitesse acquise mortelle.

L’Inquisiteur ouvrit la bouche, surpris, tandis qu’une vingtaine de pointes de flèche le frappaient. Plusieurs traversèrent sa chair pour aller s’écraser contre le mur de pierre derrière lui. Plusieurs autres atteignirent les jambes de son compagnon.

Le chef des Inquisiteurs s’écroula, agité de spasmes. L’autre gronda, toujours debout mais oscillant légèrement sur sa jambe affaiblie. Vin se précipita, attisant son potin. L’Inquisiteur restant s’avança pour lui bloquer le passage, mais elle plongea la main sous sa cape et lança une grosse poignée de poussière de potin.

L’Inquisiteur s’arrêta, désorienté. Ses « yeux » ne verraient qu’un fouillis de lignes bleues, chacune conduisant à un grain de métal. Avec tant de sources métalliques concentrées en un seul endroit, les lignes l’aveugleraient quasiment.

L’Inquisiteur pivota, furieux, tandis que Vin le dépassait en courant. Il repoussa la poussière mais Vin, pendant ce temps, tira un poignard de verre qu’elle lança vers lui. Au cœur de cette confusion de lignes bleues et d’ombres d’atium, il ne remarqua pas le poignard, qui l’atteignit en pleine cuisse. Il tomba en jurant d’une voix crépitante.

Une bonne chose que ça ait marché, songea Vin en bondissant par-dessus le corps gémissant du premier Inquisiteur. J’avais un doute sur leurs yeux.

Elle projeta tout son poids contre la porte, attisant son potin et jetant une autre poignée de poussière pour empêcher l’Inquisiteur restant de cibler d’autres métaux sur elle. Elle ne se retourna pas pour continuer à les combattre – pas alors que l’une de ces créatures avait donné tant de mal à Kelsier. Le but de cette infiltration n’était pas de tuer, mais de rassembler des informations avant de prendre la fuite.

Vin se précipita dans le bâtiment-à-l’intérieur-du-bâtiment et faillit trébucher sur un tapis fait d’une sorte de fourrure exotique. Elle fronça les sourcils et balaya la pièce d’un regard pressant, cherchant ce que le Seigneur Maître avait bien pu y dissimuler.

C’est forcément ici, se dit-elle, paniquée. L’indice qui permet de le battre – la méthode pour remporter cette bataille. Elle comptait sur le fait que les Inquisiteurs seraient distraits assez longtemps par leurs blessures pour qu’elle découvre le secret du Seigneur Maître et prenne la fuite.

La pièce ne possédait qu’une sortie – celle-là même par laquelle elle était entrée – et un foyer brûlait au cœur de la pièce. Les murs étaient décorés d’étranges ornements ; des fourrures étaient suspendues un peu partout, teintes selon d’étranges motifs. Il y avait une poignée de vieux tableaux aux couleurs délavées et aux toiles jaunies.

Vin chercha avec empressement tout ce qui pouvait se révéler être une arme contre le Seigneur Maître. Malheureusement, elle ne vit rien d’utile ; malgré son ambiance étrangère, la pièce était très ordinaire. En fait, elle possédait un aspect douillet, comme un bureau ou une tanière. Elle était remplie d’objets et de décorations étranges – comme les cornes d’une bête inconnue et une étrange paire de chaussures à fonds plats et très larges. C’était la pièce d’un collectionneur, un endroit où conserver des souvenirs du passé.

Elle sursauta lorsque quelque chose remua vers le milieu de la pièce. Un fauteuil pivotant, près du foyer, tourna lentement pour dévoiler le vieil homme ratatiné qui l’occupait. Chauve, la peau couverte de taches brunes, il paraissait avoir dans les soixante-dix ans. Il portait des habits sombres et riches et regardait Vin en fronçant furieusement des sourcils.

Tout s’arrête là, se dit Vin. J’ai échoué – il n’y a rien ici. Il est temps de repartir.

Alors même qu’elle se retournait pour filer, des mains rêches l’agrippèrent par-derrière. Elle jura, se débattit et baissa les yeux pour voir la jambe blessée de l’Inquisiteur. Même à l’aide du potin, il n’aurait pas dû être capable de marcher ainsi. Elle tenta de se dégager, mais l’Inquisiteur la maintenait dans une étreinte puissante.

— Que se passe-t-il ? demanda le vieil homme sur un ton insistant tout en se levant.

— Je suis désolé, Seigneur Maître, répondit l’Inquisiteur avec déférence.

Seigneur Maître ! Mais… je l’ai vu. C’était un homme jeune.

— Tuez-la, dit le vieil homme en agitant la main.

— Milord, dit l’Inquisiteur. Cette enfant présente… un intérêt particulier. Puis-je la garder quelque temps ?

— Quel intérêt particulier ? demanda le Seigneur Maître qui se rassit en soupirant.

— Nous souhaitons vous adresser une requête, Seigneur Maître, répondit l’Inquisiteur. Concernant le Canton de l’Orthodoxie.

— Encore ? dit le Seigneur Maître d’une voix lasse.

— Je vous en prie, milord, répondit l’Inquisiteur.

Vin se débattait toujours, attisant son potin. Mais l’Inquisiteur lui immobilisa les bras le long du corps sans que les coups de pied qu’elle lui lança en arrière lui fassent le moindre effet. Ce qu’il est fort ! songea-t-elle avec frustration.

Puis elle se rappela. Le Onzième Métal, dont le pouvoir reposait en elle, formant une réserve inconnue. Elle leva les yeux pour lancer un regard mauvais au vieil homme. Ça a intérêt à marcher. Elle brûla le Onzième Métal.

Rien ne se produisit.

Vin continua à se débattre, frustrée et découragée. Puis elle le vit. Un autre homme qui se tenait juste à côté du Seigneur Maître. D’où était-il venu ? Elle ne l’avait pas vu entrer.

Il arborait une longue barbe et portait une épaisse tenue de laine avec une cape bordée de fourrure. Ce n’étaient pas des habits de riche, mais ils étaient bien conçus. Il gardait le silence et paraissait… satisfait. Il souriait d’un air heureux.

Vin pencha la tête. Cet homme lui semblait vaguement familier. Ses traits étaient très similaires à ceux de l’homme qui avait tué Kelsier. Toutefois, cet homme-ci était plus âgé et… plus vivant.

Vin se retourna sur le côté. Il y avait un autre homme inconnu près d’elle, un jeune noble. C’était un marchand, d’après son costume – et très fortuné.

Qu’est-ce qui se passe ?

Le Onzième Métal s’épuisa. Les deux nouveaux venus s’évanouirent comme des fantômes.

— Très bien, dit le vieux Seigneur Maître en soupirant. J’accepte votre requête. Nous nous réunirons dans quelques heures – Tevidian a déjà demandé une assemblée pour discuter d’affaires extérieures au palais.

— Ah, dit le second Inquisiteur. Oui… ce sera une bonne chose qu’il soit présent. Une très bonne chose.

Vin continua à se débattre tandis que l’Inquisiteur la poussait par terre, puis levait la main pour saisir quelque chose qu’elle ne voyait pas. Il pivota et elle sentit une douleur lui traverser la tête.

Malgré le potin, tout devint noir.

 

Elend trouva son père dans l’entrée nord – une entrée plus petite et moins intimidante menant au Bastion Venture, mais seulement lorsqu’on la comparait à la somptueuse grande salle.

— Que se passe-t-il ? demanda Elend qui enfilait son veston, les cheveux ébouriffés par le sommeil.

Lord Venture était accompagné de ses capitaines de la garde et de ses capitaines de péniche. Soldats et serviteurs étaient éparpillés à travers l’entrée blanc et marron, s’affairant avec une expression de peur et d’appréhension.

Lord Venture ignora la question d’Elend et appela un valet pour qu’il livre un message aux quais fluviaux à l’est.

— Père, que se passe-t-il ? répéta Elend.

— Une rébellion skaa, aboya lord Venture.

Quoi ? se demanda Elend tandis que lord Venture faisait signe à un autre groupe de soldats d’approcher. Impossible. Une rébellion skaa à l’intérieur de Luthadel même… c’était inconcevable. Ils n’avaient pas le tempérament nécessaire pour tenter quelque chose d’aussi hardi, ils étaient simplement…

Valette est une skaa, se rappela-t-il. Tu dois arrêter de penser comme les autres nobles, Elend. Tu dois ouvrir les yeux.

La garnison était partie massacrer un autre groupe de rebelles. Les skaa avaient été contraints d’assister à ces atroces exécutions quelques semaines plus tôt, sans parler du massacre survenu ce jour-là. Ils avaient subi une pression suffisante pour les faire craquer.

Temadre l’avait prédit, comprit Elend. Comme une demi-douzaine d’autres théoriciens politiques. Ils disaient que l’Empire Ultime ne pourrait pas durer éternellement. Que, dirigé ou non par Dieu, le peuple finirait par se soulever… Et ça se produit enfin. Je suis en train de le vivre !

Et… Je suis du mauvais côté.

— Pourquoi les capitaines de péniche ? demanda Elend.

— Nous quittons la ville, répondit lord Venture sur un ton brusque.

— En abandonnant le bastion ? demanda Elend. Où est l’honneur là-dedans ?

Lord Venture ricana.

— Ce n’est pas une question de bravoure, jeune homme. Il s’est… passé quelque chose aux Fosses l’autre jour. Le Seigneur Maître n’en sera pas ravi quand il le découvrira.

Il recula et fit signe au capitaine de la barge de tête d’approcher.

Une rébellion skaa, se dit Elend, toujours un peu engourdi. Qu’est-ce que Temadre prédisait dans ses écrits, déjà ? Que, quand une véritable rébellion se produirait enfin, les skaa tueraient sans discernement… Que chaque noble pourrait payer de sa vie.

Il prédisait que la rébellion retomberait vite, mais qu’elle laisserait dans son sillage des monceaux de cadavres. Des milliers de morts. Des dizaines de milliers.

— Alors, mon garçon ? demanda lord Venture d’une voix insistante. Va préparer tes affaires.

— Je ne pars pas, s’entendit déclarer Elend à sa propre surprise.

Lord Venture fronça les sourcils.

— Quoi ?

Elend leva les yeux.

— Je ne pars pas, père.

— Oh si, tu vas partir, répondit lord Venture en lui lançant l’un de ses regards mauvais.

Elend regarda droit dans ces yeux – des yeux en colère non parce qu’ils se souciaient de la sécurité d’Elend, mais parce que Elend osait les défier. Étrangement, il ne se sentait pas le moins du monde intimidé. Il faut que quelqu’un arrête ça. La rébellion pourrait avoir des conséquences positives, mais seulement si les skaa n’insistent pas pour massacrer leurs alliés. Et c’est ce que devraient être les nobles – leurs alliés contre le Seigneur Maître. Il est également notre ennemi.

— Père, je suis sérieux, dit Elend. Je vais rester.

— Bon sang, mon garçon ! Pourquoi faut-il que tu insistes pour te moquer de moi ?

— Il n’est pas question de bals ou de déjeuners, père. Mais de quelque chose de plus important.

Lord Venture hésita.

— Pas de commentaires désinvoltes ? Pas de pitreries ?

Elend secoua la tête.

Soudain, lord Venture sourit.

— Alors reste, mon garçon. C’est une excellente idée. Il faut que quelqu’un maintienne notre présence ici pendant que je vais rassembler nos forces. Oui… Une excellente idée.

Elend hésita, fronçant légèrement les sourcils en voyant l’éclat souriant dans les yeux de son père. L’atium – Père me charge de tomber à sa place ! Et… même si le Seigneur Maître ne me tue pas, Père suppose que je mourrai dans le cadre de la rébellion. Dans un cas comme dans l’autre, il se débarrasse de moi.

Je ne suis vraiment pas très doué pour ça, hein ?

Lord Venture se retourna, riant sous cape.

— Au moins, laissez-moi quelques soldats, demanda Elend.

— Tu peux avoir la plupart d’entre eux, répondit lord Venture. Ce sera déjà assez difficile de faire sortir un bateau au cœur de ce chaos. Bonne chance, mon garçon. Salue le Seigneur Maître en mon absence.

Il éclata de nouveau de rire et se dirigea vers son étalon, qui était sellé et préparé à l’extérieur.

Elend se retrouva soudain au cœur de l’attention générale. Des gardes et serviteurs nerveux, comprenant qu’on les abandonnait, se tournèrent vers lui avec des regards désespérés.

Je suis… responsable, comprit-il, stupéfait. Et maintenant ? Dehors, il voyait les brumes s’embraser sous l’éclat des flammes. Plusieurs gardes hurlaient à propos d’une foule de skaa en approche.

Elend se dirigea vers la porte ouverte pour contempler le chaos extérieur. Le silence retomba derrière lui tandis que des gens terrifiés comprenaient l’étendue du danger qui les menaçait.

Elend resta immobile un long moment. Puis il se retourna.

— Capitaine ! dit-il. Rassemblez vos forces et les serviteurs restants – ne laissez personne en arrière – puis rendez-vous au Bastion Lekal.

— Au Bastion… Lekal, milord ?

— Il est plus facile à défendre, répondit Elend. Sans compter que nous avons, chacun de notre côté, trop peu de soldats – séparément, nous allons être détruits. Ensemble, nous parviendrons peut-être à résister. Nous allons offrir nos hommes aux Lekal en demandant qu’ils protègent nos gens en échange.

— Mais… milord, dit le soldat. Les Lekal sont vos ennemis.

Elend hocha la tête.

— Oui, mais il faut bien que quelqu’un fasse le premier pas. Maintenant, activez-vous !

L’homme salua, puis s’exécuta aussitôt.

— Ah oui… capitaine ? appela Elend.

Le soldat s’arrêta.

— Choisissez cinq de vos meilleurs soldats pour me servir de garde d’honneur. Je vais vous laisser le commandement – ces cinq hommes et moi avons une autre mission.

— Milord ? demanda le capitaine, perplexe. Quelle mission ?

Elend se retourna en direction des brumes.

— Nous allons nous livrer.

 

Vin se réveilla en éprouvant une sensation d’humidité. Elle toussa, puis gémit en ressentant une vive douleur à l’arrière de son crâne. Elle ouvrit les yeux, prise de vertige, clignant des paupières pour chasser l’eau qu’on lui avait jetée, et brûla aussitôt du potin et de l’étain pour se réveiller complètement.

Deux mains rêches la soulevèrent dans les airs. Elle toussa lorsque l’Inquisiteur lui fourra quelque chose dans la bouche.

— Avalez, lui ordonna-t-il en lui tordant le bras.

Vin poussa un cri, s’efforçant en vain de résister à la douleur. Elle finit par céder et avaler le morceau de métal.

— Maintenant, brûlez-le, ordonna l’Inquisiteur en tordant encore plus fort.

Vin résista néanmoins, consciente de la réserve de métal inconnue en elle. L’Inquisiteur essayait peut-être de lui faire brûler un métal inutile, ou qui la rendrait malade – ou pire encore, qui la tuerait.

Mais il existe des moyens plus simples de tuer une prisonnière, se dit-elle, en proie à la souffrance. Son bras lui faisait si mal qu’il lui semblait sur le point de se déboîter. Elle finit par céder et brûler le métal.

Aussitôt, toutes ses autres réserves de métaux s’évanouirent.

— Parfait, dit l’Inquisiteur en la laissant retomber.

Les pierres étaient humides, car le contenu d’un seau d’eau s’y accumulait. L’Inquisiteur se tourna, quitta la cellule et claqua sa porte barrée, puis disparut par une porte de l’autre côté de la pièce.

Vin s’agenouilla et se massa le bras tout en s’efforçant de comprendre ce qui se passait. Mes métaux ! Elle les chercha désespérément en elle, mais en vain. Elle ne sentait plus un seul métal, pas même celui qu’elle avait avalé quelques instants plus tôt.

Qu’est-ce que c’était ? Un douzième métal ? Peut-être l’allomancie n’était-elle pas aussi limitée que Kelsier et les autres lui avaient toujours assuré.

Elle prit quelques profondes inspirations et chercha à se calmer. Il y avait quelque chose… Qui exerçait une Poussée contre elle. La présence du Seigneur Maître. Elle la percevait, bien qu’elle soit nettement moins puissante que précédemment, quand il avait tué Kelsier. Mais elle n’avait plus de cuivre à brûler – elle n’avait aucun moyen de se cacher de l’influence puissante, presque omnipotente, du Seigneur Maître. Elle sentait la dépression la tirailler, lui dicter de se contenter de s’allonger, de renoncer…

Non ! se dit-elle. Il faut que je sorte. Il faut que je reste forte !

Elle s’obligea à se lever et à inspecter son environnement. Sa prison ressemblait davantage à une cage qu’à une cellule. Trois des quatre côtés étaient munis de barreaux et elle ne contenait aucun meuble – pas même une paillasse. Deux autres cages-cellules encadraient celle-ci.

On l’avait déshabillée pour ne lui laisser que ses sous-vêtements. L’intention était sans doute de s’assurer qu’elle ne cachait pas de métaux sur elle. Elle balaya la pièce du regard. Elle était étroite et longue, avec des murs de pierre austères. Un tabouret occupait un coin, mais la pièce était vide à ce détail près.

Si seulement je trouvais ne serait-ce qu’un bout de métal…

Elle se mit à chercher. Par réflexe, elle tenta de brûler du fer et s’attendit à voir apparaître les lignes bleues – mais, bien entendu, elle n’avait pas de fer à brûler. Elle secoua la tête face à la bêtise de sa tentative, mais celle-ci lui apprenait simplement à quel point elle se reposait désormais sur son allomancie. Elle se sentait… aveuglée. Elle ne pouvait pas brûler d’étain pour guetter des voix. Ni brûler du potin pour repousser la douleur de son bras et de sa tête. Ni brûler du bronze pour chercher la présence d’allomanciens tout proches.

Rien. Elle n’avait rien.

Tu fonctionnais sans allomancie, dans le temps, se dit-elle sévèrement. Tu peux le faire maintenant.

Malgré tout, elle fouilla le sol nu de sa cellule dans l’infime espoir d’y découvrir une épingle ou un clou tombé à terre. Ne trouvant rien, elle reporta son attention sur les barreaux. Mais elle ne voyait aucun moyen d’y prélever ne serait-ce qu’un copeau de fer.

Avec tout le métal qu’il y a ici, se dit-elle, frustrée, je ne peux rien utiliser !

Elle se rassit par terre, recroquevillée contre le mur de pierre, frissonnant en silence dans ses vêtements humides. Dehors, il faisait toujours noir ; la fenêtre de la pièce laissait paresseusement entrer quelques volutes de brume. Qu’était-il arrivé à la rébellion ? Et à ses amis ? Il lui semblait que les brumes, dehors, étaient un peu plus claires que d’habitude. La lumière des torches dans la nuit ? Sans étain, ses sens étaient trop faibles pour le lui apprendre.

Mais qu’est-ce qui m’a pris ? se demanda-t-elle, désespérée. Je pensais vraiment réussir là où Kelsier a échoué ? Il savait que le Onzième Métal ne servait à rien.

Il avait eu un effet, certes – mais il n’avait certainement pas tué le Seigneur Maître. Elle réfléchit, s’efforçant de comprendre ce qui s’était passé. Les choses que le Onzième Métal lui avait montrées possédaient une étrange familiarité. Pas à cause de la façon dont les visions étaient apparues, mais de ce qu’avait éprouvé Vin en brûlant ce métal.

L’or : Le moment où j’ai brûlé le Onzième Métal m’a rappelé la fois où Kelsier m’a fait brûler de l’or.

Se pouvait-il que le Onzième Métal ne soit pas vraiment « onzième » ? L’or et l’atium lui avaient toujours semblé curieusement appariés. Tous les autres métaux formaient des paires basées sur une similitude – un métal de base puis son alliage, chacun produisant un effet contraire. Le fer exerçait une Traction, l’acier une Poussée. Le zinc une Traction, le laiton une Poussée. Tout ça était logique. À l’exception de l’or et de l’atium.

Et si le Onzième Métal était en réalité un alliage d’or ou d’atium ? Ça signifierait… que l’or et l’atium ne sont pas appariés. Ils ont des effets différents. Similaires, mais différents. Comme…

Comme les autres métaux, regroupés en catégories de quatre. Il y avait les métaux physiques fer, acier, étain et potin. Les mentaux bronze, cuivre, zinc et laiton. Et puis… les métaux affectant le temps : l’or, l’atium et leurs alliages respectifs.

Ce qui signifie qu’il y a un autre métal. Un qu’on n’a pas encore découvert – sans doute parce que l’atium et l’or sont trop précieux pour qu’on les intègre à différents alliages.

Mais à quoi lui servait ce savoir ? Son « Onzième Métal » n’était sans doute que le métal contraire de l’or – celui que Kelsier lui avait désigné comme le plus inutile de tous. L’or avait montré à Vin sa propre image – ou du moins, une version différente d’elle-même qui paraissait assez réelle pour qu’elle la touche. Mais ce n’était qu’une vision de ce qu’elle aurait pu devenir si le passé avait été différent.

Le Onzième Métal avait produit un effet similaire. Au lieu de montrer à Vin son propre passé, il lui avait révélé des images similaires d’autres gens. Ce qui ne lui apprenait… strictement rien. Qu’est-ce que ça changeait de voir ce que le Seigneur Maître aurait pu devenir ? C’était l’homme actuel qu’elle devait vaincre, le tyran qui régnait sur l’Empire Ultime.

Une silhouette apparut dans l’entrée – un Inquisiteur vêtu d’une robe noire. Son visage était plongé dans l’ombre de son capuchon relevé, mais les tiges d’acier saillaient à l’avant.

— Il est l’heure, déclara-t-il.

Un autre Inquisiteur attendait dans l’entrée tandis que la créature tirait un trousseau de clés pour aller ouvrir la porte de Vin.

Celle-ci se raidit. Quand la porte s’ouvrit avec un déclic, elle se releva d’un bond, maladroitement.

Est-ce que j’ai toujours été aussi lente sans potin ? se demanda-t-elle, horrifiée. L’Inquisiteur lui saisit le bras sur son passage, avec des gestes indifférents, presque désinvoltes – et elle comprenait pourquoi. Ses mains bougeaient avec une vitesse surnaturelle, qui donnait à Vin l’air encore plus lent en comparaison.

L’Inquisiteur la releva, la retourna et la maîtrisa avec aisance. Il afficha un sourire mauvais, le visage grêlé de cicatrices. Des cicatrices qui ressemblaient à…

Des pointes de flèche, songea-t-elle, stupéfaite. Mais… déjà guéries ? Comment est-ce possible ?

Elle se débattit mais son corps faible et privé de potin ne pouvait égaler la force de l’Inquisiteur. La créature la porta en direction de l’entrée, et la seconde recula, l’étudiant avec les tiges qui saillaient de sous son capuchon. Bien que l’Inquisiteur qui la portait soit souriant, la bouche de l’autre dessinait une ligne pincée.

Vin cracha sur le second Inquisiteur sur son passage et l’atteignit en plein sur l’une de ses tiges d’acier. Son ravisseur la transporta hors de la pièce à travers un couloir étroit. Elle appela à l’aide tout en sachant bien que ses hurlements – en plein cœur de Kredik Shaw – seraient inutiles. Au moins réussit-elle à agacer l’Inquisiteur, car il lui tordit le bras.

— Silence, dit-il tandis qu’elle geignait de douleur.

Vin se tut pour se concentrer plutôt sur leur environnement. Ils devaient se trouver dans l’une des sections inférieures du palais ; les couloirs étaient trop longs pour qu’il s’agisse d’une tour ou d’une flèche. Les décorations étaient somptueuses, mais les pièces paraissaient… inusitées. Les tapis étaient immaculés, les meubles ne portaient pas la moindre éraflure ou rayure. Elle avait le sentiment que les peintures murales étaient rarement vues, même par ceux qui traversaient souvent ces pièces.

Les Inquisiteurs finirent par pénétrer dans une cage d’escalier et entreprirent de monter. L’une des flèches, se dit-elle.

À chaque marche gravie, Vin sentait le Seigneur Maître se rapprocher. Sa seule présence assourdissait ses émotions et la privait de toute volonté, la rendait insensible à tout ce qui n’était pas solitude et dépression. Elle cessa de se débattre et s’affaissa dans les bras de l’Inquisiteur. Il lui fallait faire appel à toute son énergie pour résister simplement à la pression qu’exerçait le Seigneur Maître sur son âme.

Après le bref moment passé dans la cage d’escalier semblable à un tunnel, les Inquisiteurs la transportèrent dans une grande pièce circulaire. Et malgré la puissance de l’Apaisement du Seigneur Maître, malgré ses visites aux bastions de la noblesse, Vin prit un très bref instant pour observer son environnement. C’était le plus majestueux qu’elle ait jamais vu.

La pièce avait la forme d’un immense cylindre. Le mur – il n’y en avait qu’un, qui décrivait un large cercle – était entièrement constitué de verre. La pièce, éclairée par des feux extérieurs, brillait d’une lumière spectrale. Le verre était coloré, bien qu’il ne dépeigne aucune scène en particulier. Il semblait au contraire conçu d’une seule pièce, car les couleurs fusionnaient en longues et minces traînées. Un peu comme…

Comme la brume, se dit-elle, émerveillée. Des filets colorés de brume qui tracent un cercle autour de la pièce.

Le Seigneur Maître occupait un trône surélevé en plein cœur de la pièce. Ce n’était pas le vieux Seigneur Maître – c’était la version plus jeune, l’homme séduisant qui avait tué Kelsier.

Un imposteur ? Non, je sens sa présence – tout comme l’autre fois. C’est le même homme. Est-ce qu’il peut changer d’apparence, alors ? Paraître jeune quand il veut présenter un visage agréable ?

Un petit groupe d’obligateurs à la robe grise et aux yeux tatoués discutaient à l’autre bout de la pièce. Sept Inquisiteurs attendaient, telle une rangée d’ombres aux yeux de fer. Soit un total de neuf, en comptant les deux qui escortaient Vin. Son ravisseur au visage couvert de cicatrices la livra à l’un des autres qui la saisit dans une étreinte non moins implacable.

— Finissons-en, déclara le Seigneur Maître.

Un obligateur ordinaire s’avança et s’inclina. Avec un frisson, elle s’aperçut qu’elle le connaissait.

Le grand prélan Tevidian, se dit-elle en mesurant du regard cet homme mince à la calvitie naissante. Mon… père.

— Milord, déclara Tevidian, veuillez me pardonner, mais je ne comprends pas. Nous avons déjà débattu de ce sujet !

— Les Inquisiteurs disent avoir autre chose à ajouter, répondit le Seigneur Maître d’une voix lasse.

Tevidian étudia Vin, fronça les sourcils d’un air perplexe. Il ne sait pas qui je suis, songea-t-elle. Il n’a jamais su qu’il était mon père.

— Sire, dit Tevidian en se détournant d’elle. Regardez par votre fenêtre ! N’avons-nous pas des sujets plus pressants dont débattre ? La ville tout entière se soulève ! Les torches des skaa éclairent la nuit, et ils osent sortir parmi les brumes. Ils blasphèment et attaquent les bastions des nobles !

— Qu’ils fassent donc, répondit le Seigneur Maître d’une voix indifférente.

Comme il paraissait… usé. Il était assis bien droit sur son trône, mais son attitude et sa voix trahissaient une grande lassitude.

— Mais sire, insista Tevidian, les Grandes Maisons sont en train de tomber !

Le Seigneur Maître agita une main dédaigneuse.

— C’est une bonne chose qu’elles subissent des purges tous les siècles environ. Ça engendre une certaine instabilité, ça empêche les aristocrates de prendre trop de confiance. En règle générale, je les laisse s’entre-tuer dans l’une de leurs guerres idiotes, mais ces émeutes feront l’affaire.

— Et… si les skaa viennent jusqu’au palais ?

— Alors je m’occuperai d’eux, répondit le Seigneur Maître d’une voix douce. Veuillez ne plus insister.

— Entendu, sire, dit Tevidian qui s’inclina avant de se retirer.

— Maintenant, dit le Seigneur Maître en se tournant vers les Inquisiteurs. Que souhaitiez-vous donc me présenter ?

L’Inquisiteur aux cicatrices s’avança.

— Seigneur Maître, nous souhaitons demander que la direction de votre Ministère soit retirée à ces… hommes pour être confiée aux Inquisiteurs.

— Nous en avons déjà parlé, répondit le Seigneur Maître. Nous avons besoin de vous et de vos frères pour des tâches plus importantes. Vous êtes trop précieux pour que l’on vous gaspille en vous confiant de simples tâches administratives.

— Toutefois, insista l’Inquisiteur, en autorisant des hommes ordinaires à diriger votre Ministère, vous avez, à votre insu, permis au vice et à la corruption de pénétrer au cœur même de votre saint palais !

— Des affirmations vides de sens ! cracha Tevidian. Vous faites souvent ce genre de déclarations, Kar, mais vous ne présentez jamais de preuves.

Kar se retourna lentement, son étrange sourire éclairé par la lumière ondulante et colorée qui traversait la vitre. Vin frissonna. Ce sourire était presque aussi perturbant que l’Apaisement du Seigneur Maître.

— Des preuves ? demanda Kar. Eh bien, dites-moi, grand prélan. Connaissez-vous cette enfant ?

— Bah, bien sûr que non ! répondit Tevidian avec un geste de la main. Qu’est-ce qu’une jeune skaa aurait à voir avec le gouvernement du Ministère ?

— Tout, répondit Kar en se tournant vers Vin. Oh oui… tout. Dites au Seigneur Maître qui est votre père, fillette.

Vin voulut se tortiller, mais l’allomancie du Seigneur Maître était si oppressante, les mains de l’Inquisiteur si puissantes.

— Je n’en sais rien, parvint-elle à répondre en serrant les dents.

Le Seigneur Maître s’anima légèrement, se retourna et se pencha vers elle.

— Vous ne pouvez mentir au Seigneur Maître, fillette, dit Kar d’une voix calme et râpeuse. Il vit depuis des siècles et a appris à utiliser l’allomancie comme aucun mortel ne l’a fait. Il est capable de lire vos émotions dans vos yeux et dans les battements de votre cœur. Il sait reconnaître le moment où vous mentez. Il sait… oh, oui. Il sait.

— Je n’ai jamais connu mon père, insista Vin.

Si l’Inquisiteur voulait savoir quelque chose, ça paraissait une bonne idée de le garder secret.

— Je ne suis qu’une gosse des rues.

— Une gosse des rues doublée d’une Fille-des-brumes ? demanda Kar. Voilà qui est intéressant. N’est-ce pas, Tevidian ?

Le grand prélan hésita, l’expression de plus en plus pensive. Le Seigneur Maître se leva lentement et descendit les marches de son estrade en direction de Vin.

— Oui, sire, répondit Kar. Vous avez perçu son allomancie tout à l’heure. Vous savez que c’est une Fille-des-brumes – et incroyablement puissante. Pourtant, elle affirme avoir grandi dans les rues. Quelle maison noble aurait abandonné une telle enfant ? Pour posséder cette puissance, elle doit être d’une lignée extrêmement pure. Au moins… l’un de ses parents doit être d’une lignée très pure.

— Qu’essayez-vous de sous-entendre ? demanda Tevidian, qui pâlit.

Le Seigneur Maître les ignora tous deux. Il traversa les couleurs mouvantes du sol réfléchissant, puis s’arrêta juste en face de Vin.

Si près, se dit-elle. Son Apaisement était si puissant quelle n’éprouvait même pas de terreur – elle ne ressentait que ce profond, cet écrasant, cet atroce chagrin.

Le Seigneur Maître tendit des mains délicates pour la saisir par les joues, lui inclinant le visage de manière à la regarder droit dans les yeux.

— Qui est votre père, ma fille ? demanda-t-il calmement.

— Je…

Le désespoir se tortillait en elle. La douleur, le chagrin, le désir de mourir.

Le Seigneur Maître approcha son visage du sien pour scruter ses yeux. Ce fut alors qu’elle comprit la vérité. Elle voyait une partie de lui ; elle percevait son pouvoir. Son pouvoir… divin.

La rébellion skaa ne l’inquiétait pas. Pourquoi aurait-il dû s’en soucier ? S’il le souhaitait, il pouvait massacrer à lui seul chaque habitant de cette ville. Vin savait que c’était la vérité. Ça lui prendrait peut-être du temps, mais il pouvait tuer éternellement, inlassablement. Il n’avait à craindre aucune rébellion.

— Votre père, fillette, insista le Seigneur Maître, et cette question fit à Vin l’effet d’un poids physique sur son âme.

Vin répondit malgré elle.

— Mon… frère m’a dit que mon père était cet homme, là-bas. Le grand prélan.

Des larmes roulèrent sur ses joues, mais lorsque le Seigneur Maître se détourna, elle ignorait au juste pourquoi elle venait de pleurer.

— C’est un mensonge, sire ! s’exclama Tevidian en reculant. Qu’en saurait-elle ? Ce n’est qu’une enfant stupide.

— Répondez-moi en toute sincérité, Tevidian, dit le Seigneur Maître en s’avançant lentement vers l’obligateur. Avez-vous jamais couché avec une femme skaa ?

L’obligateur hésita.

— J’ai respecté la loi ! Chaque fois, je les ai fait tuer ensuite.

— Vous… mentez, dit le Seigneur Maître, comme surpris. Vous n’en êtes pas sûr.

Tevidian tremblait visiblement.

— Je… crois l’avoir fait pour toutes, sire. Il y en a… simplement une avec laquelle j’ai peut-être fait preuve de négligence. Au départ, j’ignorais qu’elle était skaa. Le soldat que j’ai envoyé la tuer s’est montré trop clément, et il l’a laissée partir. Mais j’ai fini par la retrouver.

— Répondez-moi, dit le Seigneur Maître. Cette femme a-t-elle donné naissance à des enfants ?

Le silence retomba dans la pièce.

— Oui, sire, répondit le haut prélan.

Le Seigneur Maître ferma les yeux et soupira. Il se retourna vers son trône.

— Il est à vous, dit-il aux Inquisiteurs.

Aussitôt, six Inquisiteurs se précipitèrent à travers la pièce, poussant des cris de joie, tirant des couteaux d’obsidienne de fourreaux cachés sous leur robe. Tevidian leva les yeux et hurla tandis que les Inquisiteurs fondaient sur lui, jubilant de leur propre brutalité. Le sang coula lorsqu’ils plongèrent leurs couteaux, encore et encore, dans le corps du mourant. Les autres obligateurs reculèrent, observant la scène d’un œil horrifié.

Kar resta en arrière, souriant face à ce massacre, tout comme l’Inquisiteur qui retenait Vin. Un autre Inquisiteur demeura également en arrière, sans qu’elle comprenne bien pourquoi.

— Vous avez prouvé ce que vous avanciez, Kar, dit le Seigneur Maître en se rasseyant sur son trône avec lassitude. Il semblerait que j’aie placé trop de confiance en… l’obéissance de l’humanité. Je n’ai pas commis d’erreur. Je n’en ai jamais commis. Toutefois, l’heure est au changement. Rassemblez les hauts prélans et amenez-les ici – tirez-les du lit si nécessaire. Qu’ils soient témoins de la transmission du commandement et de l’autorité du Ministère au Canton de l’Inquisition.

Le sourire de Kar s’élargit.

— Cette enfant bâtarde doit être détruite.

— Bien entendu, sire, répondit Kar. Toutefois… il y a quelques questions que je souhaiterais lui poser d’abord. Elle a fait partie d’une équipe de Brumants skaa. Si elle pouvait nous aider à localiser les autres…

— Très bien, répondit le Seigneur Maître. C’est votre devoir, après tout.

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